Par Lucien Chardon
Faudra-t-il donc toujours ferrailler toujours contre les armées des opinions ineptes, des préjugés insalubres ? J’ignore si ce combat est vain et s’il faut le cesser, ou si la civilité ne perdure que par l’acharnement de quelques hallucinés asociaux et quelques jouvenceaux exaltés ; mais poussons encore un coup.
Il est récurrent de gloser pathétiquement sur la consommation des livres, soit pour s’extasier sur les prouesses des ignares français comparativement aux illettrés d’ailleurs, soit pour déplorer la raréfaction progressive des lecteurs, selon les chiffres qu’on regarde. Mais tous ces laïus humides prêtent d’un seul cœur une insoupçonnable vertu à la fréquentation des prétendues œuvres de l’esprit. Vraiment ?
Je me réjouis qu’un sain réflexe fasse peu à peu – mais trop lentement – déserter les librairies. Il faut qu’une sagesse instinctive demeure malgré tous les efforts de la gent plumée pour éteindre l’esprit. Tout n’est pas perdu. Si quelques bas-bleus impénitents brocardent encore une fierté à se faire voir dans les bibliodromes, je ne doute pas qu’une imbécillité définitive les emporte. Les sanies conchiées par l’édition contemporaine parviendront bien quelque jour à parachever le grand lavage collectif des cervelles françaises.
Faut-il avoir perdu le sens pour désirer qu’on lise ! S’est-on jamais soucié de savoir s’il y a quelque ouvrage digne d’être lu dans le fatras des éditions ? De grâce, qu’on ne préjuge pas trop vite de la réponse, dans l’ignorance bénigne que des estomacs chagrins et délicats ne se rassasient pas de l’orgie de farces littéraires dont on veut les repaître.
Alors ?
Brûlez les livres ! Embastillez les barbouilleurs !
N’ayons pas peur de dire haut toute vérité, dût-elle porter ombrage à ceux qui la proclament.
Je salue donc, en cette page, ceux qui ne la liront pas. Quant à ceux qui auront persisté, qu’ils y puisent le désir de partir en quête, ailleurs, des nourritures spirituelles.