Par Lucien Chardon
Les images du boursicoteur ruiné qui se défenestre et de l’affairiste sur-endetté qui se brûle la cervelle nous semblaient liées à la crise de 1929. Elles sont redevenues d’actualité depuis l’automne 2008.
La liste des suicides économiques est même impressionnante : Thierry Magon de la Villehuchet, co-fondateur du gestionnaire de fonds Access International ; Adolf Merckle, une des grandes fortunes allemandes, propriétaire de plusieurs entreprises, après une spéculation très hasardeuse sur le titre Volkswagen ; Joël Gamelin, le patron des Chantiers navals Gamelin ; Steven Good, PDG de Sheldon Good and Company Auctions International, une société de vente aux enchères de biens immobiliers à Chicago ; les oligarques russes Sergueï Poliakov et Vladimir Zoubkov ; Kirk Ross Stephenson, un des dirigeants de la société d’investissement Olivant à Londres ; sans compter la forte augmentation des suicides dans les banques et parmi les épargnants ruinés…
Que penser de tout ceci ? Dieu a gravé sa loi dans nos cœurs, le Décalogue. Si le suicide s’oppose directement au 5e commandement « Tu ne tueras pas », il est possible de regarder au-delà.
« Tu ne voleras pas »
En réalité, au meurtre s’ajoute le vol. Ce point est moins visible mais essentiel dans les suicides économiques.
Toutes ces personnes ont acquis leur fortune grâce à des clients, à des investisseurs, à des établissements de crédit, à des salariés – qui leur ont fait confiance et leur ont confié les moyens de leur enrichissement. Auprès d’eux, ces hommes d’affaires ont des dettes : soit écrites, soit morales quand il s’agit du devoir de l’employeur envers ses employés. C’est justement l’excès de ces dettes, et l’imprudence dans la gestion des biens dont ils étaient dépositaires, qui les ont conduits au sur-endettement et à la ruine. Ainsi, en se suicidant, ils tuent le débiteur et éteignent ses dettes. Ce faisant, ils spolient leurs créanciers. D’une certaine manière, c’est un vol absolu, puisque ceux qui l’ont commis ne sont plus, et que ceux qui sont lésés n’ont plus aucun recours.
La vraie droiture est d’assumer ses erreurs de gestion et de faire tout ce qui est en son possible pour rembourser ses créanciers et assurer la situation professionnelle de ses employés.
« Tu n’auras pas d’autres dieux devant Moi »
On arrive au suicide économique par une disposition psychologique particulière : il faut avoir mis toute sa vie dans son activité professionnelle et ne pas connaître d’autre espoir que celui du gain. Ces suicides en série sont révélateurs d’un état d’esprit très répandu dans le monde des affaires : un état d’esprit qui survalorise la réussite financière et qui conduit à y consacrer l’essentiel de son existence. La quête de l’intérêt personnel – dans laquelle les économistes libéraux voient le moteur de l’économie – prend des proportions démesurées sans être plus tempérée par rien. Elle devient le seul objectif, ce que les prophètes, depuis l’Ancien Testament, appellent une idole. D’où le fait que l’échec professionnel puisse conduire au suicide.
A contrario, cette leçon s’adresse à tous. Il faut se consacrer avec sobriété à son travail et ne rechercher son intérêt personnel que dans une juste mesure, pour laisser à Dieu la première place dans nos existences au quotidien, et à nos prochains (familles, amis et collègues) la seconde. Surtout, la vie économique ne doit ni occulter ni supplanter la vie spirituelle, qui seule compte.